L'appel

CoLINE : Collectif de Lutte contre l'Invasion Numérique de l'École

L'appel

Nous sommes parents d'élèves et nous refusons la numérisation de l'école

Partout en France, des parents d’élèves tentent de faire entendre leurs inquiétudes face au déploiement d’outils numériques à l’école : tablettes, ordinateurs personnels mais aussi espaces numériques de travail (ENT) comme Pronote, MBN ou Ecole Directe. Des équipements et un usage imposés sans concertation par des collectivités locales soucieuses de « modernisation ».

Mais la numérisation de l’école relève bien d’une politique nationale. Si nous voulons que notre opposition de parents soit entendue, il est alors nécessaire de nous rassembler sur l’ensemble du territoire. Aucune fédération officielle de parents d’élèves ne se positionnant en ce sens, nous entreprenons de créer un collectif national d’opposition à la numérisation de l’école. Nous l'avons baptisé CoLINE : Collectif de Lutte contre l'Invasion Numérique à l'Ecole.

_Le texte ci-dessous constitue l'acte fondateur de CoLINE. Cet Appel a été publié par Marianne en février 2023. Fort de 3287 signatures, il vient d'être envoyé le 30 novembre au ministre de l'Éducation nationale Gabriel Attal, suite à ses déclarations dans Le Parisien appelant à «un sursaut collectif» contre ce trop-d'écrans qu'il a qualifié de «catastrophe sanitaire et éducative». À cette occasion, Marianne nous a de nouveau offert une place dans ses colonnes et publié en intégralité_ le courrier qui a accompagné notre envoi.

Parmi les 3287 signataires de cet Appel, plus de la moitié sont des parents d'élèves. Pour l'autre moitié, une grande majorité sont des enseignants, aux côtés desquels de nombreux professionnels de l'enfance, de l'éducation et de la santé, du numérique aussi, et puis des universitaires, des grands-parents, des étudiants, et des personnes de tous horizons, partout en France. Tous partagent la même inquiétude et la même indignation face à la numérisation de l'école. Un certain nombre de personnalités et d'intellectuels ont également soutenu ce texte.

Aujourd'hui, CoLINE a des correspondants locaux sur tout le territoire. Parce que c'est aussi et surtout en nous rassemblant sur le terrain que la lutte se fait. Il appartient à chacun de nous, là où nous sommes, d'ouvrir le débat sur la numérisation de l'école. C'est sur le silence que celle-ci avance, alors prenons la parole !

Si le texte de l'Appel, ci-dessous, vous convainc de soutenir notre action, rendez-vous à la page Signer l'Appel.


L'Éducation nationale renforce la dépendance au numérique

Aujourd’hui le numérique est partout à l’école. Tableaux interactifs, communication via les ENT, exercices en ligne sur Moodle, exposés sur Powerpoint, MOOC comme supports aux cours, orientation sur des plateformes, et livres remplacés par des manuels numériques : l’école se dématérialise. C’est moderne. Mais est-ce mieux ? Ce serait pourtant la seule question à poser. L’école accomplit-elle mieux ses missions ? Nos enfants apprennent-ils mieux, sont-ils plus performants, plus épanouis ? Pour nous parents la réponse est non. Mais on ne nous demande pas notre avis : le numérique c’est le progrès et ça ne se discute pas.

Nous sommes des parents d’élèves de toute la France, et nous refusons cette course à la technologie dans cet espace où l’on prétend former des humains capables de comprendre le monde et de faire société. Nos enfants sont en primaire, collège, lycée, et nous affirmons que la numérisation de l’école n’a rien de pertinent, pédagogiquement comme socialement.

Ce que nous constatons c’est que le remplacement des carnets de liaison et supports d’échanges papier par des espaces en ligne n’améliore pas la communication avec l’institution et les enseignants. Cela par contre induit une logique de surveillance (notes et absences visibles en temps réel, confidentialité des discussions non garantie), dilue l’information (messages importants noyés dans la masse), et fait peser plus lourdement sur les familles la responsabilité de choix déterminants et complexes (procédures d’orientation à faire directement en ligne). Pour les parents dits « éloignés de l’école », la magie digitale n’opère pas le miracle promis : ils se retrouvent plus perdus encore. Le déploiement des ENT a des effets délétères sur le lien école-parents, donc sur la scolarité de l’enfant.

Les carnets de correspondance et cahiers de texte numériques déresponsabilisent les enfants de leur scolarité. Ils ne sont plus acteurs des transmissions entre enseignants et parents et ne prennent même plus note de leurs devoirs. Ne les écrivant plus, ils ont du mal à s’en souvenir voire n’en sont pas informés. Ils se connectent alors sans cesse pour être sûrs de « ne rien rater ». Pas droit à la déconnexion non plus pour les parents voulant suivre. On s’organise moins et on ne décroche pas.

Ce que nous constatons surtout, c’est que plus nos enfants passent de temps sur écran, moins ils arrivent à lire, à écrire, à se concentrer ; c’est que la baisse du niveau scolaire général s’accélère et qu’ils n’apprennent pas mieux. Des centaines d’études le confirment. Les écrans ont envahi la vie des enfants, mais on pouvait espérer que l’école resterait un lieu où ils en seraient protégés, où le livre conserverait la place centrale qui est la sienne pour former les esprits et stimuler la pensée. Or désormais les écrans envahissent aussi l’école et remplacent les livres. Dans plusieurs régions les manuels scolaires ont déjà disparu des lycées : le livre comme outil d’apprentissage est révolu, banni de l’univers scolaire. Des centaines de millions sont dépensés pour équiper lycéens, collégiens et écoliers de tablettes et d’ordinateurs portables avec lesquels ils sont obligés de travailler à l’école et à la maison, et qui entrent dans leurs chambres sans que nous puissions nous y opposer puisque c’est pour « faire ses devoirs ». Mais soyons honnêtes : la part « pédagogique » est souvent bien minoritaire dans l’usage qu’ils font effectivement de ces outils.

Après la « continuité pédagogique » grâce au « distanciel » lors du confinement, dont l’institution s’est gargarisée, le déploiement du « numérique éducatif » est à l’origine d’une explosion, incontrôlable pour les familles, de la surexposition aux écrans. Mais c’est nous parents qui ne savons pas gérer nos jeunes ! Alors que nombre de médecins alertent sur les dangers de passer plusieurs heures par jour devant un écran, l’Education Nationale met le numérique au cœur de l’instruction, valide la surexposition comme norme et appelle cela « modernisation de l’école » et « innovation pédagogique ». Mutation qu’elle impose sans consulter ni enseignants ni parents et sans l’évaluer. En Grand Est, région pionnière du « lycée 4.0 » lancé 2017 et généralisé en 2019, aucune évaluation pédagogique du dispositif n'a été faite.

Dans le jargon ministériel, la stratégie est de « développer un écosystème global de l'e-Education, depuis les contenus et services jusqu'au matériel ». Alléger les effectifs de classes pour donner aux enseignants les moyens de faire leur travail et réformer le métier pour susciter des vocations ne fait pas partie des priorités. Pour éduquer les citoyens de demain le ministère n’investit pas dans l’humain mais dans la technologie. Et justifie cette débauche numérique en assurant que c’est en immergeant les enfants dans le numérique qu’on en fera des utilisateurs avisés. Mensonge ! Oui nous vivons dans un monde où le numérique est partout, et oui il serait nécessaire que les enfants puissent recevoir une véritable éducation au numérique. Mais éduquer AU numérique n’est pas éduquer PAR le numérique. Or aujourd’hui c’est bien une éducation PAR le numérique qu’on développe ; l’éducation AU numérique est pour ainsi dire inexistante. Dans ces conditions l’Education nationale renforce surtout la dépendance au numérique, produisant davantage des consommateurs captifs que des utilisateurs avisés, avec des opinions qui se forgent plus par les algorithmes que par la réflexion. Ou comment fabriquer une pensée standardisée. C’est bon pour la santé de la Ed Tech, des GAFAM et du commerce, pas pour celle de nos enfants. Et c’est surtout bien inquiétant pour notre avenir à tous : isolés devant des machines, comment apprendre à faire société ?

Il y a de quoi s’interroger sur les véritables objectifs que nos gouvernants poursuivent à travers l’imposition de l’école numérique. Car ce que nous constatons c’est qu’elle démonte l’instruction et ne contribue certainement pas à former des citoyens éclairés.